Le texte de Denis

La cuisine est étrange. C’est l’antre gustatif de la maison. C’est le lieu de séjour des âmes en recherche de nourriture, le carrefour des êtres cherchant sustentation. Les ustensiles pendent aux murs ; les ingrédients gisent sur les étagères. Ils vont bientôt se mélanger les uns aux autres. Les instruments de cuisson sont collés aux murs, ils attendent la venue d’une préparation, d’un début de recette, d’une fin de confection.

La cuisinière est le chef d’orchestre. Devant elle les premiers violons : couteaux, cuillères, fouets, spatules. Entourées des contrebasses et violoncelles, casseroles, faitouts. La marmite est la grosse caisse où mijote le court-bouillon d’onze heures.

L’heure de l’expérimentation a sonné. La cuisinière trône au centre. Tous autour sont suspendus à ses lèvres, brulant de savoir à quelle sauce ils seront mangés. Elle fait la cuisine avec son ventre, pour son ventre. Ainsi que pour ceux de sa maisonnée d’ailleurs. C’est la grande pourvoyeuse, la grande faucheuse car il faut bien tuer pour manger. Mais elle voit sa tâche comme un art et la mort est pardonnée.

Au long de son travail surgissent de ci de là quelques diablotins blonds qui viennent lécher le fond des plats, mettre un doigt de la sauce, ou un ogre barbu qui renifle avec convoitise les relents qui s’échappent du four. Elle les accueille avec un sourire vigilant : l’endroit est périlleux, comme les forges d’Héphaïstos : les feux grondent, la chaleur monte. Il y a transformation, déformation, recomposition. La tâche est délicate, l’alchimie incertaine nécessite de mystérieux talents qu’elle déploie avec un sourire plein de promesses.


Denis

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